
3ème Dimanche de l’Avent (Année B)
Is 61,1-2a.10-11;
Lc 1,46b-48, 49-50, 53-54;
1Th 5,16-24;
Jn 1,6-8.19-28
COMMENTAIRE BIBLIQUE-MISSIONNAIRE
Le témoignage au Christ « de l’autre côté du Jourdain »
Le troisième dimanche de l’Avent est traditionnellement appelé dimanche Gaudete ou “ Réjouissez-vous!”, du premier mot de l’antienne d’entrée de la messe. Nous sommes donc invités à nous réjouir, car la fête de la venue du Seigneur est maintenant proche, spirituellement et aussi littéralement (en fait, le 25 décembre se profile à l’horizon). Dans ce contexte de joyeuse attente, l’Evangile de ce jour nous exhorte encore à méditer sur saint Jean-Baptiste, décrit comme un « homme envoyé par Dieu »ce qui veut dire le « missionnaire » de Dieu qui« est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière » Jésus, le Verbe divin.
Ainsi les détails de l’Evangile du jour ont une portée clairement missionnaire, en ce qu’ils nous aident à approfondir certains aspects fondamentaux du témoignage rendu par Jean à Jésus, celui qui vient. C’est pourquoi, une « scrutatio » ou « lectio divina » du texte évangélique que l’on vient d’entendre sera importante et utile pour nous tous chrétiens, appelés à être des témoins joyeux de Jésus Christ face au monde.
1. « Je ne suis pas le Christ ». L’humble témoignage de Jean le Baptiste sur lui-même.
Avec la description de Jean comme « homme envoyé par Dieu » s’éclaire tout d’un coup la mission de Dieu pour le Baptiste (vf Jean 1,33 ; 3-28). Jean est « homme » mais il accomplit la mission divine avec l’autorité « céleste » pour « rendre témoignage à la Lumière » (v.7-8).
Donc s’ensuit la proclamation solennelle du nom ; Jean, qui signifie littéralement « Dieu a fait grâce ». (Une présentation comparable à celle de Marie dans Luc). Jean, le missionnaire est caractérisé aussi par l’affirmation suivante ; « Il est venu comme témoin,.. », comme les affirmations propres de Jésus sur sa mission ; « je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance » (cf. Jn 10,10; 12,47; Mc 10,45; Mt 20,28). Toutefois, il est précisé immédiatement que « cet homme n’était pas la Lumière », et ainsi est anticipée la « formule de témoignage » du Baptiste devant les « envoyés » des chefs religieux de l’époque ; : « Je ne suis pas le Christ, ni Élie, ni le Prophète » (vv.20.21.25). Jean le Baptiste est toutefois une petite « lanterne », « la lampe qui brûle et qui brille » (Jn 5,35) et ainsi il rend témoignage au Christ qui est la Lumière du monde (Gv 8,12; 9,5; cf. 3,19).
Pour répondre à ceux qui l’interrogent sur son identité (messianique) (« Qui es-tu ? » v.19-22) (comparable à l’interrogatoire que Jésus subit devant le Sanhédrin pendant son procès), Jean le Baptiste livre avec courage et sincérité son témoignage sur lui en deux phases, d’abord sur celui qu’il n’est pas (v. 19-21) et puis sur celui qu’il est (v. 22-23). Dans la première partie il faut noter la construction particulière de la phrase qui fait ressortir la confession-négation de Jean « Je ne le suis pas… » qui ainsi fait contraste avec les sept déclarations propres de Jésus dans l’annonce « Je suis » (pain de vie, lumière du monde, bon pasteur,…. dans l’Evangile de Jean), ainsi qu’avec la propre confession de Jésus dans Marc 14,61 (« Es-tu le Christ ? »-« Je le suis »).
Les demandes des chefs religieux concernent l’identité des personnages eschatologiques ; le Christ, c’est-à-dire le Messie, l’oint roi davidique de la fin des temps ; Elie, celui qui prépare la venue du jour du Seigneur (cf Mt 3) ; le Prophète, être eschatologique puissant comme Moïse, prédit dans Dt 18. Jean-Baptiste décline ces identités, pour mettre en avant celui qu’il est (v.22-23) ; la voix, comme saint Augustin l’a commenté « Jean est la voix qui passe, le Christ est le Verbe éternel qui était au commencement » (Disc. 293, 3 ; PL 1328-1329). C’est la confession de sa mission, sans prétendre à une quelconque dignité, comme l’avait déjà souligné saint Bonaventure qui parle d’une affirmation de l’humble vérité. L’humilité du Baptiste est répétée au verset 27 (« je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale »).
C’est ainsi que Jean le Baptiste nous guide aujourd’hui sur notre propre témoignage du Christ pour le livrer au monde dans notre mission évangélisatrice. Il faut toujours reconnaître que nous ne sommes pas le Christ, ni quelque prophète divin qui sauve le monde. Il faut toujours dépasser la concentration excessive sur soi-même, sur notre personne, sur notre vision, sur nos projets qui nous font oublier que nous sommes de simples serviteurs et hérauts du Christ, Celui qui doit venir. Nous devons toujours nous rappeler l’enseignement important du Pape François contenu dans le Message pour la Journée Missionnaire Mondiale 2022 ;
C’est du Christ, et du Christ ressuscité dont nous devons témoigner et dont nous devons partager la vie. Les missionnaires du Christ ne sont pas envoyés pour se communiquer eux-mêmes, pour montrer leurs qualités et leurs capacités de persuasion ou leurs compétences en matière de gestion. Ils ont, au contraire, le grand honneur d’offrir le Christ, en paroles et en actes, en annonçant à tous la Bonne Nouvelle du salut avec joie et franchise, comme les premiers apôtres.
2. « Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Le témoignage de Jean le Baptiste sur le Christ, le mystérieux “inconnu” celui qui vient après.
De manière étrange, le témoignage de Jean sur le Christ n’affirme rien sur l’identité de « celui qui vient après moi ». Toutefois, de manière indirecte, dans le contexte de l’interrogatoire et du témoignage, ce mystérieux « inconnu » Celui-qui-vient est, à la différence de Jean, « le Christ ». En effet, Lui est le Seigneur, le chemin pour lequel Jean le Baptiste appelle tous à se préparer et à se redresser.
Dans la réponse de Jean le Baptiste à la question « Pourquoi donc baptises-tu ? » on note que la première phrase semble incomplète (« je baptise dans l’eau »); Cela laisse un suspense dans la narration et on trouvera son achèvement ensuite dans Jean 1,33 ; « celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint”»(cf. Mc 1,7-8). Ici, dans la première allusion au Christ, Jean le Baptiste s’arrête sur l’idée du Messie qui reste caché, inconnu, jusqu’à son apparition officielle à Israël. Devant la grandeur du Christ, le Baptiste reconnaît de nouveau son indignité ; « je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale » (phrase devenue caractéristique de Jean et que l’on retrouve dans Ac 13,25). Il y a encore la construction « je ne suis pas » (!) devant celui qui vient et qui est « digne, de prendre le Livre et d’en ouvrir les sceaux » (Ap 5,9).
Le témoignage du Baptiste est donc la totale négation de lui-même pour l’affirmation totale du Christ. Le Baptiste conclura en fait son témoignage dans Jn, par le fait qu’il n’est pas lui le Christ (cf. Jn 3,28), par la phrase dans le contexte de la joie qui se réalise en entendant la voix du Christ l’époux :
Vous-mêmes pouvez témoigner que j’ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui. Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite. Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue. (Jn 3,28-30)
Lui doit grandir; moi, au contraire, je dois diminuer - Illum oportet crescere, me autem minui (Jn 3,30). C’est la joie de l’Evangile, la joie des missionnaires authentiques de Dieu et du Christ. Que Lui grandisse toujours dans le cœur de ceux que nous servons, et nous nous diminuons jusqu’à la sortie complète de la scène, comme Jean-Baptiste. (Tu veux apprendre alors toi aussi quelque chose du Baptiste dans ta relation au Christ ? Tu reconnaîtras que tu n’es pas le plus important du monde, et tu le feras avec joie ? Tu es disposé à t’oublier pour affirmer, pour faire grandir le Christ qui est au milieu de nous et qui vient ?)
3. « De l’autre côté du Jourdain ». La note de conclusion significative sur le lieu du témoignage.
Le passage de l’Evangile se termine avec une note apparemment neutre ou visiblement insignifiante sur le contexte géographique du témoignage de Jean : « Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain ». On parle d’un lieu mystérieux et inconnu jusqu’à ce jour (avec beaucoup d’hypothèses entre temps), mais qu’on ne doit pas confondre avec Béthanie voisine de Jérusalem où se trouve la maison de Marthe, Marie et Lazare.
Toutefois, avec la précision« de l’autre côté du Jourdain » cette indication géographique prend davantage d’importance pour deux raisons. D’abord, cela ramène à Jn 10,40 (« [Jésus] repartit de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où, au début, Jean baptisait ; et il y demeura»), pour boucler de manière significative un beau récit. Depuis ce lieu, Jésus commence son activité et il la finit aussi là, avant d’affronter le dernier temps de la mort et de la résurrection, annoncé dans l’épisode de Lazare (cf Jn 11). Ensuite, l’expression « de l’autre côté du Jourdain » rappelle la position du peuple élu avant d’entrer dans la Terre promise. C’est le lieu de l’attente, l’attente joyeuse, parce que la destination est déjà là devant, visible, observable, perçue après un long chemin. En ce lieu nous sommes tous invités à nous rendre spirituellement ; nous immerger dans la situation du peuple élu pour pouvoir comprendre la joie de l’arrivée à destination, du salut désiré depuis longtemps.
Prions alors pour que le Seigneur renouvelle en ces jours la sagesse et la joie de l’Evangile dans l’attente de Noël désormais proche, pour que, comme Jean-Baptiste, nous puissions témoigner humblement et courageusement du Christ Sauveur qui vient pour donner à tous la paix et la joie de Dieu. Amen.