
87ème anniversaire du départ au Ciel de Jeanne Bigard, fondatrice de l'Œuvre Pontificale de Saint Pierre Apôtre
Un portrait de personnage
La fin du mois d'avril offre à l’Eglise de célébrer deux événements particuliers. Le dimanche 25 avril, dimanche du Bon Pasteur est la journée mondiale de prière pour les vocations sacerdotales et religieuses en faveur desquelles se dévoue l'Œuvre Pontificale de Saint Pierre Apôtre. Le 28 avril c'est la célébration du 87ème anniversaire du départ au Ciel de Jeanne Bigard, fondatrice de l'Œuvre Pontificale de Saint Pierre Apôtre.
A voir de près le rayonnement connu par cette Œuvre dès son origine jusqu’à nos jours, d’aucuns s’émerveillent et se demandent quels étaient les traits de caractère les plus marquants qui ont pu permettre à cette Dame si fragile de santé de fonder et de mener à bien une Œuvre si importante et vitale pour la survie de l'Eglise encore aujourd'hui.
D’abord il faudra reconnaitre que par sa famille et par l’éducation reçue de sa mère Stéphanie, Jeanne Bigard était tout simplement une personne ordinaire comme les autres, mais une chrétienne convaincue. Profondément pieuse et remplie d’un vif enthousiasme pour la vie spirituelle, elle nourrissait pour l’Église un amour passionné qui la rendait capable de braver tout obstacle pour défendre lui rendre service. Comme baptisée, elle se sentait responsable des besoins de l’Eglise surtout en cette période de découverte et d’évangélisation de nouveaux territoires par des missionnaires européens. L’urgence était de soutenir la mission de ces apôtres de l’Evangile par la prière, le sacrifice et des offrandes.
Jeanne Bigard, tout comme sa mère, était animée d’une très grande générosité assortie d’un radical esprit de sacrifice. Avec sa mère, elle sacrifie leurs propres biens matériels et sa propre vie pour se mettre à la disposition des missionnaires de l’Eglise. Malgré la noblesse d’origine et de naissance, elle choisit de mener une vie modeste et pauvre afin d’épargner des ressources et mieux se dévouer pour les besoins des missionnaires. Considérant les richesses comme futiles, elle se dépouilla de tout, au profit de l'Œuvre fondée.
Cet esprit de sacrifice qui était en elle comme une vertu naturelle qui se déployait sans un effort particulier lui conférait une ténacité et une persévérance imbattables dans ses décisions et ses actions. En effet, devant une action à entreprendre, Jeanne Bigard ne se laissait influencer par rien. Elle était pour cette raison, affectueusement surnommée « tête de fer ». Malgré la fragilité de sa santé, Jeanne était dotée d’une forte et ferme volonté accompagnée d’un dynamisme et d’une combativité qui défiaient tout obstacle. Si elle voulait quelque chose, elle le voulait entièrement et à l'instant même. « Le calme, disait Jeanne Bigard à la fin de sa vie consciente, est ce qui m’a toujours manqué le plus, avec tous ses dérivés : la patience, l’acceptation des retards, savoir attendre… » (note 1).
D'un tempérament ardent, elle était assez rigoureuse envers elle-même et envers les autres. Elle était souvent surprise et même vexée au point de se montrer intraitable quand ceux qui connaissant bien l'Œuvre qu'elle a fondée et bénéficiant de ses prestations, ne manifestaient cependant aucune volonté pour la faire connaître ou défigurent plutôt son image en l'expliquant très mal à leur entourage. A ce propos elle n'hésita pas à faire des remarques strictes dans une lettre à un Père des Missions étrangères : Je vais me permettre de vous faire une recommandation très sérieuse. C'est quand vous parlez de nous à vos confrères, de leur dire très carrément, non pas que nous nous occupons des missions ou que nous sommes bienfaitrices du Japon ou de telle mission, mais bien que nous sommes fondatrices d'une Œuvre spéciale, dûment approuvée par le Saint-Père et par un grand nombre d'évêques : à savoir, l'Œuvre de Saint-Pierre pour la formation d'un clergé indigène dans les Missions ». A un Vicaire Apostolique dont les Séminaristes manifestaient une certaine ignorance à propos de l'Œuvre, elle écrit : « Monseigneur, je vous ferai remarquer que vos bons séminaristes ne me paraissent tout à fait comprendre l'Œuvre de Saint-Pierre, son but et le rôle qu'elle remplit vis-à-vis d'eux... Veuillez, je vous prie, Monseigneur, avec votre bonté habituelle, profiter de votre premier séjour parmi ces bons séminaristes pour leur faire un petit entretien sur l'Œuvre de Saint-Pierre et sur le but de cette institution. Ils n'en prieront pour nous que davantage et l'Œuvre de Saint-Pierre y gagnera ces secours puissants dont elle a besoin pour remplir les vues de Dieu, les désirs du Saint-Siège ».
Fille de magistrat, et secondée par sa mère qui aussi fille de notaire, Jeanne était très futée en affaire. Dotée d'un solide esprit d'organisation et d'un sens pratique inné, elle dirigeait son Œuvre avec dextérité et perspicacité. « Quand elle croit devoir dire ou faire quelque chose, rien ni personne ne la rebute ou ne l'effraie. Elle ne craint rien. C'est avec cette méthode qu'elle est venue à bout de bien des obstacles, qu'elle a surmonté bien des difficultés ; et c'est indubitablement à cela que l'Œuvre de Saint-Pierre Apôtre doit d'être aujourd'hui une Œuvre pontificale... » (note 2).
Au-delà des traits de caractère, Jeanne Bigard, tout comme sa mère, était animée et guidée par une foi de rocher, une passion sans limite pour l’Église. Sa vie est imprégnée de cette foi et de cet amour qui constituent la source de ses pensées et de toutes ses actions. C’est là une attitude évangélique attendue de tout baptisé : la cohérence entre la foi et la vie concrète qui ne font qu’une seule et même réalité.
Jeanne vivait ce qu’elle croyait et elle croyait ce qu’elle vivait. Dieu était pour elle, non pas une réalité abstraite, lointaine, inaccessible, mais un être concret, un Père proche qui se mêle de notre quotidien et marche avec ceux qui acceptent de faire sa volonté. C'est de lui qu'elle était convaincue d'avoir reçu l'appel à se vouer au clergé autochtone dans les territoires de mission. Dans la lettre écrite par Mgr Cousin qui demandait une aide pour créer un Séminaire au Japon, Jeanne qui se posait déjà la question de la vocation, du sens à donner à sa vie, a aussitôt découvert un signe concret de la part du Seigneur, un appel à un apostolat auquel se consacrer, celle d’être mère d’une multitude de Prêtres. La vocation étant claire désormais, Jeanne s'y engagea de tout son être, de toute son âme, de toute sa vie. Et quelles que soient les épreuves inhérentes qui en surgiront, le bonheur de Jeanne reste incommensurable, éternelle. Vouloir ce que Dieu veut est la seule liberté qui conduit au vrai bonheur. Que l'intercession de Jeanne Bigard qui s'est tant dévouée pour Dieu et son Eglise, éclaire les jeunes aujourd'hui en quête de repère et de la volonté de Dieu sur leur vie en leur inspirant courage et force pour s'engager sans réserve au service de l'Œuvre du Salut de l'humanité.
P. Guy Bognon, Secrétaire général de l'Œuvre pontificale de Saint Pierre Apôtre
NOTES
1. Paul Lesourd, L’holocauste de Jeanne Bigard, Librairie Plon, Paris, 1938, note (2) p. 17.
2. Idem, p. 147-148.