
11 octobre - Le Rosaire vivant, un véritable outil d’apostolat
Dans le Rosaire vivant, Pauline ne voyait pas autre chose que des personnes qui prient la très Sainte Vierge. Il s’agit d’une œuvre de pauvres et de simples personnes dont toute l’intrigue, toute la politique consiste à aimer et à faire aimer Jésus et Marie par les moyens de la prière et de la méditation du Rosaire joint aux œuvres de charité. Pauline savait rendre grâce devant ce que le Rosaire vivant permettait à diverses personnes de vivre : « Quel bonheur d’être unies avec des âmes si bonnes ! Qu’elle est belle cette charité qui fait d’une multitude de personnes de tout âge, de toute condition, de tous pays, une seule famille dont Marie est la Mère, un corps dont Marie est le chef et N.S.J.C. le cœur. Quelle armée que celle de Marie ! Que la foi oppose à l’or, au nombre, à la puissance de l’armée d’hommes forts que l’enfer a réunis sous sa bannière pour détruire la religion. » (Pauline Jaricot, Le Rosaire vivant, op. cit., p. 39-40)
Faut-il penser que saint Dominique, ainsi que plus tard Alain de la Roche, est l’une des personnes qui ont développé le Rosaire dans l’Église ? Ce qui est sûr, c’est que le fondateur de l’ordre des Frères Prêcheurs a incité ses contemporains, en particulier ceux de la région de Toulouse, à prier et à se former pour mieux rester fidèles à la Foi catholique. Par les débats et les prédications qu’il organisait avec ses frères dominicains, il a propagé la Foi catholique face à l’hérésie des Albigeois ou Cathares, constitués en véritable contre-Église dont le succès tient à un mélange paradoxal d’austérité et de laxisme. De leurs cadres, les « parfaits », ils exigent une grande austérité, s’opposant à la richesse de l’Église et aux mœurs de beaucoup de clercs. Laxistes à l’égard des autres membres, ils offrent aux tout-venants la perspective d’un salut à bon compte. Seuls les ordres mendiants (franciscains et dominicains), en pleine conformité avec l’esprit de rénovation qui anime les dirigeants de l’Église depuis le XIe siècle, vont vraiment avoir raison de l’hérésie albigeoise, des guerres et des persécutions. Ils vont répondre à l’attente essentielle des populations, à savoir un retour à l’esprit de pauvreté et de fraternité des origines chrétiennes. L’apostolat des Frères Prêcheurs (saint Dominique, à partir de 1215) et celui des Frères mineurs (saint François d’Assise, à partir de 1210) visent le cœur de la société de leur temps, c’est-à-dire les villes où se joue l’avenir de la société. En effet diverses fonctions économiques et financières se développent dans les milieux urbains et on peut y observer l’essor des universités et leur rayonnement intellectuel.
La sainte Vierge a-t-elle fait bénéficier à saint Dominique d’une vision pendant qu’il prêchait contre les Albigeois en 1208 ? Lui a-t-elle dit de proposer aux populations la récitation du saint Rosaire en vue d’un plus grand succès de ses prédications et de ses débats ? (Pauline Jaricot, Le Rosaire vivant, op. cit., p. 47). L’amour de la vérité de saint Dominique, l’admirable dévotion du Rosaire, sans oublier la force et la sagesse de ses prédications ont aidé diverses personnes à se convertir. Certes, il faut relever l’attention de Pauline envers les humbles et les petits mais aussi la manière dont elle les orientait vers la vierge Marie. Notons surtout son insistance sur la contemplation de Jésus dans ses Mystères, lui qui aide à réfléchir sur ce qu’il est, Dieu et homme, parce qu’il se forme en nous. La rencontre avec Jésus dans la prière doit être une source de joie, d’où l’action de grâce et la manifestation de notre reconnaissance envers Marie qui nous donne son fils.
En méditant les Mystères de la vie de Jésus, à travers le Rosaire, le croyant est invité à accueillir l’Évangile au plus profond de son cœur. La simplicité de la récitation du Rosaire vivant n’exclut pas la possibilité offerte aux chrétiens de méditer, de cette manière, sur des pages importantes de l’Évangile. Pauline voulait offrir à la sainte Vierge par l’assemblage de ces quinzaines de vraies couronnes. Avec les cinq mystères joyeux (Annonciation, Visitation, Nativité, Purification, Jésus retrouvé au Temple), nous sommes invités à suivre Marie et Jésus durant les premières années de la vie de celui-ci dans notre histoire humaine. Avec les cinq mystères douloureux (agonie au Jardin des Oliviers, flagellation, couronnement d’épines, portement de croix, mort du Christ sur la croix), nous suivons Jésus confronté à la violence humaine. Le Fils dit « oui » à son Père jusqu’au bout : il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur ; il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort sur une croix (voir Ph 2, 5-11). Le Sauveur souffre et meurt, il « s’est donné en rançon pour tous », afin que tous les êtres humains soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, lui le seul médiateur entre Dieu et les hommes (voir 1 Tm 2, 1-7).
La méditation des cinq mystères glorieux (Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de la Vierge) nous ouvre à l’espérance et aux joies éternelles. En effet, « si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons » (2 Tm 2, 11-12). En méditant les cinq mystères lumineux ajoutés par Jean-Paul II en 2002, (baptême du Christ dans le Jourdain, les noces de Cana, l’annonce du Royaume de Dieu, la transfiguration du Christ et l’institution de l’Eucharistie), nous sommes invités à vivre notre mission de baptisé, au cœur du monde, avec joie (La joie de l’Évangile dont parle souvent le pape François ; Evangelii gaudium, Rome, 24 novembre 2013).
Le missionnaire est heureux d’avoir le Sauveur Jésus pour le porter au monde, pour travailler avec lui, dans l’Esprit, « afin que le règne de Dieu vienne » (Mt 6, 10) et que tous s’investissent pour construire un monde plus juste, où règnent paix, justice et fraternité (Pape François, Fratelli tutti, encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale, Rome, 3 octobre 2020, n°140), comme nous sommes invités à le vivre durant l’Eucharistie, le sacrement de l’union avec Dieu, mais aussi de l’amour fraternel. En Jésus-Christ, Dieu se donne et l’Homme le reçoit, mais l’Homme aussi se donne et Dieu le reçoit. Dans cet amour où l’être humain est totalement tourné vers Dieu sans se détourner de ses semblables, c’est Dieu lui-même qui envoie en mission. L’Église étant le Corps du Christ, le peuple de Dieu, le temple du Saint-Esprit, c’est l’Église aussi qui envoie en mission, à la suite de Marie qui nous offre le Sauveur du monde.