
Le 17 octobre - 1835, Guérison de Pauline à Mugnano di cardinale, près de Naples (Italie)
La maladie de Pauline est jugée incurable, mais elle veut aller à Mugnano, en Italie, alors que le voyage est difficile, voire insensé compte tenu de la gravité de son état de santé. Pauline a un grave problème cardiaque, des palpitations. Elle avait de mal à s’alimenter et il fallait qu’elle prenne de grandes précautions pour ne pas en être suffoquée. Elle eut quelques moments de relâche, à la fin d’une neuvaine à sainte Philomène et, bien qu’elle soit gravement atteinte, elle eut le projet d’aller à Mugnano sur la tombe de sainte Philomène, en passant par Paray-le-Monial et Rome. Une dévotion populaire à sainte Philomène avait suivi la découverte par des archéologues dans la catacombe de Priscille, le 25 mai 1802 à Rome, de blocs portant l’inscription Lumena Paxte Cum Fi, entourée par des caractères symboliques chrétiens. En modifiant l’ordre des blocs, on peut obtenir « Paxte Cum Filumena » que l’on pourrait traduire par « La Paix soit avec toi, Philomène ». Ce nom ne signifie-t-il pas « Aimée » ou « Bien aimée » (de la racine grecque Phileo), ou encore « Fille de la lumière » (de la racine latine Filia luminis) ? (voir Catherine Masson, Pauline Jaricot, op. cit., p. 311). Un attrait secret attirait Pauline vers la tombe de Philomène considérée comme martyre, mais comment exprimer ce désir et surtout comment y aller depuis Lyon, alors qu’elle est tellement malade qu’elle ne supporte plus la moindre secousse ?
Pour le médecin, tous les remèdes étaient inutiles ; il venait donc voir Pauline, en ami, sans rien lui prescrire comme si elle était simplement un objet de curiosité, pour l’observation. Entreprendre un voyage quelconque ne serait-il pas, pour Pauline, une manière d’attenter à sa vie ? A cette question, le médecin répondit : « Comme depuis longtemps rien, absolument rien n’explique la prolongation de votre existence, vous pouvez sans aucun scrupule satisfaire votre fantaisie de déplacement. » (Catherine Masson, Pauline Jaricot, p. 312-313). Quand Pauline confie à Mgr de Pins son projet d’aller à Paray-le-Monial, elle ne lui précise pas que ce serait un test de sa capacité de survivre et d’aller à Mugnano. Elle voulait recourir au Sacré-Cœur de Jésus par l’intercession de la vénérable Marguerite-Marie. Depuis le 21 juin 1817, Pauline avait été agrégée à l’Association des Saints Cœurs de Jésus et de Marie, présidée par Claudine Thévenet, présidente de l’Association des Saints Cœurs de Jésus et Marie. Quand elle regroupa en association quelques ouvrières, elle leur a donné le nom de « Réparatrices du Cœur de Jésus. » De plus, quand elle conçut son ouvrage L’amour infini, sous-titré « Le cœur de Jésus Christ, salut de l’Église et de la France », elle se réfère, là aussi, au cœur de Jésus. (Catherine Masson, Pauline Jaricot, p. 313). Puisqu’elle arrive vivante à Paray-le-Monial, Pauline décide d’aller au moins jusqu’à Rome pour y recevoir la bénédiction du Pape.
Pauline garde l’incognito en traversant Lyon et se rend à Chambéry où elle est reçue par les Visitandines. Son état s’aggrave et elle croit mourir « loin de la France et loin de Rome » - la Savoie n’est pas encore à la France à cette date (voir Catherine Masson, Pauline Jaricot, p. 314). Les Visitandines font une neuvaine à sainte Philomène et Pauline trouve la force de reprendre la route. Pauline et sa suite restent quelques jours à Lorette et repartent pour Rome où Pauline arrive presqu’inanimée. Elle est reçue à la Trinité des Monts chez ses amies les religieuses du Sacré-Cœur. Compte tenu de son extrême état de faiblesse, Grégoire XVI lui fait l’honneur d’une visite. Pauline plaide, auprès du pape, pour la cause de sainte Philomène et, après cinq semaines de séjour à Rome, la caravane se remet en route.
Pauline Jaricot arrive à Mugnano le 8 août 1835, deux jours avant la fête de sainte Philomène. Elle est accueillie dans la joie comme la fondatrice de la Propagation de la Foi et du Rosaire vivant, alors qu’elle ressent d’inexprimables souffrances. Le dimanche, elle est placée près du tombeau vénéré et semble morte, mais au fond d’elle-même, elle ressent sa guérison qu’elle cache dans un premier temps, car elle est intimidée. Selon Sœur Cécilia Giacovelli, Pauline « comprend qu’elle vient d’être l’objet d’un miracle divin. En frappant des mains, dans un mouvement cadencé, Pauline se met à chanter Gloire au père. La pâleur de son visage laisse la place à son teint naturel : elle quitte l’aspect d’une femme émaciée paraissant plus de 50 ans pour offrir l’image d’une femme plus jeune d’au moins quinze ans, qui parvient à marcher librement à travers la foule avec une surprenante vivacité » (Sœur Cécilia Giacovelli, Pauline Jaricot. Biographie, op. cit., p. 202).
La stupeur générale laisse la place aux bénédictions, à l’action de grâce et aux louanges. Le lendemain, 10 août, jour de la fête de sainte Philomène, Pauline se sent tellement mieux qu’elle essaie de marcher un peu dans l’église. Même si on porte son fauteuil pour la suivre, Pauline ressent un réel mieux qui va confirmer quand elle revient dans son logement. « Je puis d’un seul trait me rendre à mon logement et monter les escaliers de ma chambre : ce que je n’avais pas fait depuis quinze mois. J’espérais que les choses se passeraient sans bruit ; mais à peine étais-je arrivée que tout le village savait ce qui venait d’avoir lieu. » (Catherine Masson, Pauline Jaricot, op. cit., p. 315).
Rassemblé autour d’un prêtre, le peuple demande à la voir. Pauline va s’associer aux démonstrations de joie de la foule et à l’allégresse religieuse. Elle n’est plus la « dame » ou la demoiselle française, mais la « princesse du paradis » (Sœur Cécilia Giacovelli, Pauline Jaricot, op. cit., p. 202). « La cloche sonne. On l’oblige à marcher dans le bourg, précédée de la musique et accompagnée de militaires : "Je me regardais vraiment comme une victime ornée de rubans et couronnée pour le sacrifice". Elle ne quittera Mugnano qu’après une neuvaine de reconnaissance. Elle emporte une relique et y laisse son fauteuil en guise d’ex-voto. Sur la route du retour, elle ne manque pas d’étonner tous ceux qui l’avaient vu mourante à l’aller ! Elle-même raconte : "Au relais, les postillons qui m’avaient amenée dans un état voisin du trépas criaient tout haut : "Miracle ! Miracle ! Vive sainte Philomène ! A leurs cris la foule accourait de tous côtés, se pressait autour de la voiture, y suspendait des couronnes et des guirlandes de fleurs, en invoquant la sainte Martyre". » (Catherine Masson, Pauline Jaricot, op. cit., p. 315-316)