3 octobre - Conversion de Pauline Jaricot

03 octobre 2021

Le père Jean Würtz qui va jouer un rôle important dans la vie de Pauline apparaît comme un prédicateur apprécié dans la paroisse de Saint-Nizier et peut-être socialement attentif et engagé. Il réussit à sauver un jeune officier qui, pour une légère infraction militaire, est condamné à mort. Le jour prévu pour l’exécution, le prêtre va supplier le général : « Grâce ! Grâce… au nom de Dieu et d’une mère ! » Le général dit : « Saint prêtre, maintenant que la leçon a été donnée, la justice et la miséricorde peuvent s’embrasser. » Le prêtre reconduit le fils dans les bras de sa mère. Jean Würtz semble représenter toutes les aspirations religieuses que Pauline conserve secrètement. Sa réputation de confesseur de la foi et de la charité ne tarde pas à se développer. Les sermons du carême attirent l’attention des Lyonnais et les femmes de la famille Jaricot, présentes à ces rendez-vous, en tireront le plus grand profit.

Jean Würtz apparaît surtout aux yeux de ceux qui l’approchent comme un personnage à la figure douce et austère, qui, selon certaines personnes, sait attirer l’attention de son auditoire par sa simplicité et sa douceur évangéliques. Au moment où il propose une réflexion sur les dangers et les illusions de la vanité, Pauline se sent interpellée, touchée. Elle écoute avec attention, sans perdre une syllabe, osant à peine respirer, semble-t-il, se reconnaissant à chaque trait du tableau, prenant pour elle chaque reproche et chaque conseil. A la fin de la célébration, Pauline rencontre le prêtre, lui demande de lui expliquer la signification de « la vanité coupable ». Après les explications de l’abbé Würtz, elle lui demande de l’écouter en confession, car son sermon l’a touchée et troublée. Elle confesse au prêtre ses erreurs, ses luttes, ses remords, ses aspirations meilleures. Elle en ressort radieuse, bien qu’elle ait pleuré. L’un des jours suivants, elle fera une « confession générale », comme elle l’écrit dans son journal, en demandant à l’Esprit-Saint de l’éclairer et de la préserver de toute illusion. Elle tremblait de tous ses membres en allant au confessionnal, « mais la manière dont je fus reçue me fit voir combien j’avais eu tort de trembler… » (David Lathoud des Augustins de l’Assomption, Marie-Pauline Jaricot. 1. Le secret des origines de la Propagation de la Foi, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1937, p. 58). Cette grande conversion de 1816 va marquer la vie de Pauline : elle est comme libérée du filet qui l’immobilisait et elle est prête à s’élever, à s’envoler comme l’Alouette du paradis. Elle a trouvé le guide qu’elle cherchait depuis si longtemps. Elle a décidé de s’engager dans la voie du renoncement absolu et du combat incessant contre tout ce qui s’oppose au rayonnement de la foi. Elle opte pour de nouvelles règles de vie. La passion du détachement la saisit ; elle brûle les chansons lestes et les romans frivoles.

Pauline choisit de s’occuper des malades incurables et dans ce service, elle éprouve de la joie à s’abandonner totalement à Dieu. Elle change d’habillement et ne répond plus aux exigences de la dernière mode. Son père alarmé intervient et lui intime la défense formelle de donner son linge aux pauvres sans sa permission. 

La jeune Jaricot est-elle folle ? Faut-il se méfier de Jean Würtz ? Pauline Marie Jaricot se convertit à une nouvelle vie, décide de combattre ses passions et une transformation intérieure s’opère en elle ; elle décide de se vêtir simplement comme les pauvres ouvrières dont elle a perçu la détresse. « Les vêtements de soie bigarrée ont cédé la place à une robe de bure violette et elle remplace ses chaussures par des sandales de cuir » (voir Sœur Cecilia Giacovelli, Pauline Jaricot, Roma, Pontificia Opera della propagazione della Fede, 1999, traduit de l’italien, Paris, Mame 2005, p. 64). Elle veut vendre ses trésors pour en distribuer la valeur aux pauvres. Elle préfère perdre de vue ses anciennes amies, car elles risquent de tenter de la détourner de la voie de la conversion. Un seul objectif la motive désormais : se faire des amis parmi les pauvres. C’est là, parmi les classes les plus humbles, que Jésus-Christ trouve de nombreux fidèles. C’est au milieu d’eux que Pauline réalise à quel point son passé mondain la conduisait sur ce qu’elle considère désormais comme la pente d’une vie de péché, d’hypocrisie et de scandales en tout genre.

 En fait, Pauline se livre à Jésus qu’elle veut servir, en participant à l’évangélisation. Elle demande pardon aux siens de ses mauvais exemples : « Un jour que ma famille était réunie, je demande pardon à tous et déclarai en même temps mon inébranlable résolution de renoncer aux plaisirs et aux sentiments de ce monde : "Qu’aucun de vous ne se soucie de mon avenir, ajoutai-je. Désormais Jésus-Christ sera tout pour moi". » (David Lathoud des Augustins de l’Assomption, Marie-Pauline Jaricot. 1. Le secret des origines de la Propagation de la Foi, op. cit., p. 62-63) « Je me lèverai, dis-je alors : et puisque le centre de ma paix pour le temps et pour l’éternité est en Dieu seul, j’irai me jeter à ses pieds. Oui, j’irai vers mon père et je me réconcilierai avec lui ; ce ne sera pas pour quelques jours seulement ; une fois rentré dans sa grâce, je n’en sortirai plus. Je reviendrai à lui sans partage, sans réserve et pour toujours je me soumettrai à tout ce que m’ordonnera le guide qu’il me donnera… Le désir immense d’aimer, la soif dévorante de posséder mon Dieu me faisait désirer aussi d’agir pour sa gloire… Je voulais contribuer à la gloire de l’Église… Je n’avais jamais ressenti d’attrait pour la vie toute céleste des religieuses… J’allais voir les cérémonies de prises d’habit : une force irrésistible m’entrainait avec joie hors de ce saint asile et semblait me crier malgré moi : ce n’est pas là que tu dois te consacrer à Jésus-Christ… Je prononçais enfin le vœu irrévocable (de chasteté) qui fixait tous les mouvements de mon cœur… Fière de mon bonheur… je me redisais avec transport : je suis l’épouse de Jésus-Christ ! » (voir J. Servel, Un autre visage, op. cit., p. 96-97). C’est à Fourvière, dans la nuit de Noël 1816 que Pauline prononce le vœu de virginité perpétuelle. A 17 ans, Pauline s’investit résolument dans la Mission, s’informant sur les besoins des missionnaires et cherchant comment les soutenir.